Ce sont elles qui en avaient cette lourde charge.
À les rendre à leur pureté.
De lavoirs en lessiveuses, sous la brosse énergique, le lin épais est passé de mains en mains, de muscles en muscles, d’efforts en efforts.
S'est alourdi à l’humidité, a craqué sous la chaleur du soleil.
A été reprisé.
A été repassé.
Plié mille fois déjà.
Rangé bien au propre. Au carré. À la lavande.
A épongé des fièvres, du sang, de la sueur.
A réchauffé des corps, des âmes, des ardeurs, des silences, des rêves.
A enveloppé des naissances et des morts.
A protégé des meubles de l’absence, a attendu des corps partis.
A été froissé, sali, et blanchi à nouveau.
Ces draps ressortent aujourd’hui avec leurs histoires effacées, emprisonnées, bien serrées dans leurs fibres, leurs noeuds.
Ressortis des armoires.
Redécouverts comme des trésors.
Dépliés.
Puis : découpés et s’apprêtant à vivre une nouvelle histoire.
Les voilà étendus au soleil, avant d’être enduits, et tendus sur un châssis. Bientôt recevoir le gesso. Bientôt s’ouvriront au pinceau. À la couleur. À la pâte. À une nouvelle écriture.
Bientôt un tableau qui partira s’accrocher sur un mur.
Ici. Là. Ailleurs.
Un écho de nos grands-mères.
Un souvenir d’elles coincé dans le maillage.
Héritage sinueux qui conduit à aujourd’hui.
Hommage timide.
Pensée pudique.
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